Publié le 13 mai 2022

Piloter une mutuelle par les valeurs : un impératif catégorique

La « différence » mutualiste n’est plus, aujourd’hui, perçue

Au mieux, nos adhérents nous créditent-ils d’une qualité de service plus « attentive » ou d’une implication « sociétale » plus affirmée.

Sur le premier terrain, de nouveaux entrants, notamment digitaux, nous concurrencent ; sur le second, des référentiels externes (RSE, entreprise à mission…) nous banalisent en tirant nos compétiteurs « vers la vertu ».

Alors que faire ?

Simplement réaffirmer – et prouver – que notre raison d’être « ontologique » n’est pas d’être de « bons » assureurs.

Pour Mutlog et Mutlog Garanties (assureurs des emprunteurs) et l’ACMIL (association qui nous a créées), cette raison d’être s’exprime en quelques mots – « L’homme au cœur du logement » – et se déploie sur plusieurs dimensions.

Toutes ont pour « utilité » l’accès ou le maintien dans le logement, singulièrement des personnes les plus en difficultés.

Pour une partie de celles-là, nous avons contribué à faire éclore une résidence bigénérationnelle à Limoges, dont la FNMF a salué l’exemplarité.

J’ai le plaisir de dévoiler, ici, qu’un deuxième projet verra, très probablement, le jour dans une autre région.

Ce succès est, pour nous, aussi essentiel que de remporter un appel d’offres d’assurance. Nous allons proposer, à nos assemblées générales de 2022, de matérialiser plus fortement cette dimension de notre mission par la création d’une union mutualiste de livre III.

Mais le véritable défi mutualiste, aujourd’hui, est d’incarner, dans la dimension assurantielle, la raison d’être et les valeurs dont nous nous réclamons.

Cette incarnation n’est pas une option, un supplément d’âme : c’est un impératif moral catégorique. Nous, mutualistes, n’avons pas le droit de nous réclamer d’idéaux aussi chargés de sens et aussi « beaux » que « démocratie », « solidarité », « engagement », « proximité », si nos décisions, nos actions d’assureurs restent subordonnées, en dernier ressort, à des injonctions consuméristes, règlementaires ou financières. Si tel est le cas, ayons la décence de ne pas utiliser ces mots pour nous présenter aux autres.

Face à cette exigence, dans nos mutuelles de Livre II (assurantielles), nous avons créé une fonction « référent valeurs mutualistes », rattachée au Président, qui rend compte annuellement, comme les fonctions clés règlementaires, de la vie de nos valeurs.

Elle a effectué son premier rapport en mai 2022 ; il est structuré autour de cinq entrées : démocratie, solidarité, engagement, proximité et non lucrativité.

Cette démarche – très loin d’être achevée – s’inscrit dans la longue tradition de nos mutuelles. Pour l’illustrer :

  • Non lucrativité : pour une mutuelle, un résultat comptable positif signifie simplement que nous avons demandé plus d’argent à nos adhérents que nous ne leur en avons rendu en prestations, ou que nous avons dépensé en développement, services… Depuis deux ans, la présentation de nos résultats financiers rend compte des destinations des cotisations des adhérents, afin d’ouvrir le débat sur leur utilité au regard de nos engagements vis-à-vis d’eux et/ou de notre raison d’être.
  • Proximité : nous distribuons nos offres via des partenaires ; nos adhérents ne nous connaissent pas. Quand et comment être proches d’eux ? Naturellement, au moment où ils nous sollicitent, dans une situation difficile, pour une prestation. Depuis longtemps, nos offres comportent des « plus solidaires » sous forme d’aides financières et nous testons, en ce moment, avec des partenaires (comme la Croix-Rouge) des propositions d’accompagnements « humains ». Leur mise en œuvre ne va pas de soi, car nous devons faire preuve de tact et d’empathie pour les proposer. A quels autres moments serions-nous légitimes à aider ? Nous avons ouvert le débat récemment ; il n’est pas clos à ce jour.
  • Solidarité : l’Union de Livre III, déjà évoquée, sera le pilier de l’incarnation de cette valeur, mais nous sommes aussi en réflexion collective pour que notre fonds d’entraide soit, lui aussi, au cœur de nos activités. Il ne peut pas se contenter d’être une « bonne œuvre » sur un strapontin.
  • Engagement : chez Mutlog comme ailleurs, les premiers « engagés » sont les administrateurs. Mais leur implication active sur les sujets réglementaires ne nous différencie pas d’acteurs de formes différentes. Nous avons donc fait une place, dans les ordres du jour de nos Conseils, à l’engagement volontaire de nos administrateurs sur des projets ayant trait à l’accès au logement.
  • Démocratie : les valeurs ci-dessus – ou d’autres – ne prennent leur dimension mutualiste que si elles irriguent notre gouvernance. Les ordres du jour de nos comités spécialisés et de nos Conseils d’Administration sont, là aussi, progressivement réorientés pour leur donner plus de place.

Pour une mutuelle, incarner les valeurs dont elle se réclame n’est pas un supplément d’âme, un élément de différenciation. C’est une mission en soi ! Une mission qui ne doit être sacrifiée à aucune finalité utilitariste. Bien entendu, cette incarnation fait naître des tensions, contraint à des compromis qui devront toujours, impérativement, être passés au filtre d’une démocratie argumentative et délibérative revivifiée et ne peut se limiter aux votes de « bonnes actions », entre deux rapports règlementaires.

En synthèse, la vie des valeurs doit devenir le socle de tous les piliers de notre gouvernance mutualiste.