Publié le 22 février 2018

Reste à charge zéro : agir sur l’offre de soins

Agir sur la prévention, à travers la mise en œuvre d’indicateurs de qualité, sur de nouvelles modalités de régulation des réseaux : autant de pistes qui méritent d’être explorées pour proposer aux patients les meilleurs prix sans dégrader la qualité de leurs soins. Cette analyse de Terra Nova n’est pas une prise de position mais une contribution à la réflexion commune pour un reste à charge zéro efficient.

Si l’on veut que le reste à charge (Rac) zéro ne se résume pas à une simple répartition de la charge entre Sécurité sociale, complémentaires santé et assuré (via l’augmentation indirecte des cotisations), il faut qu’il soit aussi l’occasion d’agir sur l’offre de soins. C’est l’axe que nous avions retenu lors de nos premiers échanges et c’est aussi l’objet des différentes concertations qui se sont ou seront mises en place.

Le risque est cependant que, ce faisant, les acteurs de l’offre réagissent en dégradant la qualité de leurs produits et services pour pouvoir proposer de meilleurs prix sans pour autant réduire leurs marges et la profitabilité de leur activité. Comment juguler ce qui serait alors un effet hautement indésirable ?

 

Un effort de prévention accru

En préambule, rappelons que l’effort de prévention et les progrès de la médecine environnementale restent le meilleur moyen de faire baisser les besoins de santé et donc les coûts pour tous les acteurs du secteur. C’est un point récurrent de nos échanges et l’objet d’un large consensus entre les différentes sensibilités politiques telles qu’elles se sont exprimées durant la récente campagne présidentielle. Dans le domaine dentaire, en particulier, l’effort de prévention doit être maintenu et accru. Un accompagnement actif des publics les plus vulnérables dans ce domaine pourrait être exploré, ainsi qu’une plus grande implication de la médecine scolaire. Ces points mériteraient une discussion plus approfondie.

En ce qui concerne les équipements et prothèses les plus directement impliqués dans les Rac aujourd’hui les plus élevés, on peut explorer les méthodes les plus classiques de politique économique devant ce genre de problèmes. Elles consistent d’abord à accroître la concurrence sur le marché en réduisant au maximum les asymétries d’information, en introduisant davantage de transparence sur les prix et le contenu de l’offre, en augmentant la comparabilité des produits aux yeux du consommateur. Les outils numériques d’information et de notation peuvent y aider.

 

Quant aux nomenclatures utilisées dans l’audioprothèse, elles sont anachroniques.

 

Inciter à des prises en charge de meilleure qualité passerait aussi par la détermination de référentiels auxquels les professionnels pourraient se fier, en fonction des pathologies diagnostiquées. De tels référentiels n’existent pas dans le domaine dentaire, ni dans le secteur optique. Quant aux nomenclatures utilisées dans l’audioprothèse, elles sont anachroniques au point que 95% des équipements achetés en France figurent dans une seule et même classe, la plus sophistiquée, sans que le lien de nécessité avec les besoins de la personne équipée soit toujours clairement établi.

 

Un système de recertification des professionnels

Des pratiques médicales de référence pourraient par conséquent être plus systématiquement élaborées, mises à jour et diffusées pour guider cet effort. La réorientation des tarifications vers la qualité et l’efficience, à travers notamment une évolution des modes de rémunération des professionnels concernés, pourrait également être un moyen de dégager, dans la durée, des gains d’efficience et de lutter contre les coûts de la non-qualité.

 

L’expérimentation d’un contrat à impact social en santé pourrait à ce titre se révéler une piste intéressante.

 

Sans directement y adjoindre un mécanisme de bonus/malus, le développement d’indicateurs de résultats sur la qualité des soins délivrés par les professionnels de santé et le fait de soumettre ces derniers, suivant l’exemple des Pays-Bas ou du Royaume-Uni, à un système de recertification périodique, seraient des hypothèses à examiner.

L’atteinte des objectifs de prévention et la lutte contre les inégalités sociales de santé pourraient aussi devenir une composante beaucoup plus importante de la rémunération des professionnels de santé, au-delà de l’amorce introduite dans le système de « rémunération sur objectifs de santé publique » mis en place depuis quelques années. L’expérimentation d’un contrat à impact social en santé, comme déjà proposé lors de nos échanges, pourrait à ce titre se révéler une piste intéressante.

 

Des marges de manœuvre complémentaires pour les réseaux de soins

Puisque depuis 2008, la Haute Autorité de santé (HAS) émet, dans le cadre de ses missions, des recommandations et avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescriptions ou de prises en charge les plus efficientes, ne pourrait-on pas lui accorder un droit de regard lors de toutes négociations conventionnelles afin de privilégier les parcours de soins les plus efficients à la fois en termes médicaux et pour une meilleure utilisation des dépenses de l’assurance maladie ?

Le cadre d’expérimentations pour l’innovation dans le système de santé proposé dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 va également dans le bon sens (1).

Pour finir, les réseaux de soins pourraient bénéficier de marges de manœuvre complémentaires pour agir dans le sens d’une plus grande efficience du système de santé, en particulier dans les domaines où les assureurs privés sont les financeurs majoritaires. Pour ce faire, et surtout lever la profonde défiance des professionnels et d’une partie des pouvoirs publics à leur égard, sans doute faudrait-il imaginer de nouveaux modes de régulation de ces réseaux.

Deux pistes pourraient à cet égard apparaître pertinentes :

  • le développement d’indicateurs de qualité au sein des réseaux, qui feraient l’objet d’une évaluation régulière, en vie réelle, par des experts indépendants et pluridisciplinaires (professionnels de santé, patients, chercheurs, équipe HAS dédiée) ;
  • la création d’un mécanisme d’intéressement financier des professionnels présents dans les réseaux, fonction des résultats atteints (économies réalisées, en proportion des dépenses non-engagées/indicateurs de qualité/résultats techniques des réseaux).
  • De plus, des évolutions des modes de gouvernance des réseaux pourraient être imaginées, afin d’y intégrer plus largement les parties prenantes du système de santé.

 

Notes

(1) Concrètement, la mesure proposée introduit un cadre juridique général permettant le déploiement de deux types d’expérimentations qui peuvent être portées par des acteurs locaux ou nationaux. Elles sont mises en œuvre pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

Ces expérimentations visent :

  • d’une part, à déployer des innovations organisationnelles visant, dans les secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, à améliorer la prise en charge et le parcours des patients, l’efficience du système de santé et l’accès aux soins ;
  • d’autre part, à promouvoir la qualité et la pertinence de la prise en charge, et de la prescription des médicaments et autres produits de santé.

Pour mettre en œuvre ces expérimentations, la mesure prévoit la possibilité de déroger, sous certaines conditions, aux règles de financement de droit commun ainsi qu’à certaines règles d’organisation de l’offre de soins.