Quelle est la place de l’entraide dans nos vies et dans nos sociétés ?

L’entraide est une condition de la survie des espèces. Elle est essentielle à nos vies individuelles et constitutive de la société. Elle organise des interactions pour protéger, améliorer les conditions de vie et aussi pour être plus efficace. Elle offre un sens à la vie. 

La question qui nous est posée, ici, me semble-t-il est de savoir qui protéger, et par qui ? 

En effet, la notion d’entraide ne se suffit pas à elle-même pour en déterminer sa dimension « humaniste ». Car l’entraide peut être sélective, elle peut s’organiser « contre » autant que « pour », et « pour certaines ou certains » et « pas pour d’autres ». Il est donc nécessaire de qualifier l’entraide et la solidarité que nous pouvons générer.  

L’entraide et la considération

Sans parler d’universalisme, il est indispensable que nous la pensions de façon globale, avec l’ensemble du vivant. L’écologie politique propose une société qui s’anime en système impliquant toute l’humanité, où chacune et chacun doit pouvoir s’appuyer sur les pouvoirs politiques, mais aussi sur le monde associatif et toutes les forces vives afin de lutter contre l’injustice sociale, la crise écologique, la rupture démocratique. Cela intègre une notion aussi essentielle que l’entraide ou la solidarité, c’est la considération et le respect qui doivent s’inscrire dans toutes nos actions. 

Cela consiste à prendre en compte tous les parcours de vie des individus, y compris leurs fragilités, leurs vulnérabilités ou leurs précarités. 

Aujourd’hui, la preuve est faite que nos pratiques individualistes ont un impact très fort sur la qualité de vie et le fonctionnement de la société dans tous les domaines : économique, social et environnemental. J’ajouterais volontiers : médical et démocratique. 

La considération et l’entraide pour et par le plus grand nombre en écologie politique c’est ce qui permet de faire société. Cette culture de l’altérité et de la considération ne peut se limiter aux seuls cercles socio-économiques et géographiques ou culturels proches de chacun de nous. Elle s’applique comme une éthique à l’ensemble de notre société humaine et intègre un rapport de considération à l’ensemble du vivant. Elle implique de prendre conscience que nous faisons système avec toutes les composantes de l’environnement dont nous dépendons. 

Dans ces conditions de connaissance du système dont nous faisons partie, les formes d’entraide et de solidarité que nous adoptons indiquent nos ambitions pour vivre bien ensemble et pour développer notre estime de soi dont dépend notre rapport à l’autre. Cela permet de concevoir une société qui rejette la fracture sociale, l’abandon du bien commun et l’éloignement de l’émancipation. 

Rendre l’action visible

A Besançon, nous souhaitons créer un « budget de la solidarité » et un « budget carbone ». L’un mesurera les actions portées par la ville et tous les acteurs de notre territoire au bénéfice des plus démunis. L’autre évaluera les moyens mobilisés pour participer à l’atténuation de la fracture climatique et l’érosion de la biodiversité.  

Cela permettra de ne plus mesurer seulement l’action de la commune mais aussi l’action de tous les acteurs, les bénévoles, les entreprises, etc. au bénéfice de la qualité de vie. 

Mesurer l’action sociale et environnementale de tous permet de la rendre plus visible et d’aller plus loin. 

L’entraide, une lisière féconde

J’aime l’image de la lisière, issue du monde biosystémique : c’est une zone de contact entre deux milieux naturels, par exemple les lisières entre la forêt et les prairies, une zone où le potentiel de biodiversité et la force de résilience sont les plus importants. L’entraide et la solidarité, issues de la pensée écologique, si elles n’excluent pas les phénomènes de compétition, constituent des formes de lisières sociales et sociétales extrêmement fécondes. Plus elles sont nombreuses et diverses, plus elles produisent de la richesse sociale et environnementale. 

La ville du XXIème siècle n’est-elle pas celle où toutes les « lisières » doivent être entretenues par le collectif comme un commun essentiel au bien vivre voire à la survie humaine ? Plus elles seront nombreuses, plus notre société se dotera de moyens de lutter contre les maux de notre humanité. 

Le covid nous met à l’épreuve, le climat rappelle son interaction sur le vivant : pour faire société l’entraide et la solidarité n’ont jamais pris autant de sens et d’importance. Pour cela, réduire la fracture sociale, atténuer la rupture climatique, mais aussi réparer la confiance dans les institutions sont des objectifs vitaux.