Quelle est la place de l’entraide dans nos vies et dans nos sociétés ?

ATD Quart Monde, Agir Tous pour la Dignité est un mouvement de personnes de tous les horizons qui s’unissent pour éradiquer la grande pauvreté en France et dans le monde.

Nous venons d’horizons très différents, personnes ayant connu ou connaissant encore la grande pauvreté et personnes ne l’ayant jamais connue, riches et pauvres unis contre la misère ! Ce qui fait notre force et notre richesse, c’est d’imaginer chaque jour les possibles pour construire ensemble une société à partir des plus pauvres. Une société qui n’oublie personne, qui ne laisse personne de côté.

Notre société est terriblement ségrégative, nous vivons dans des mondes séparés, en ville dans des quartiers différents, dans des écoles / collèges /lycées différents et dans le monde rural où les personnes très défavorisées sont isolées de tous. Nos réalités quotidiennes sont extrêmement différentes : comment se comprendre lorsque l’on vit dans des conditions si éloignées les uns des autres ? Comment oser se parler, agir avec « l’autre » lorsque l’on ne se connaît pas ?

Pour l’entraide, il faut oser

“ Il faut sans doute quelques préalables à l’entraide : oser aller vers l’autre tellement différent, non pas pour lui apprendre des choses mais pour de vrais échanges, oser se connaître pour se reconnaître.”

La notion de temps aussi est très importante, sachons prendre le temps.

Il nous faut retrouver des manières de faire, d’agir, de se regarder qui permettent l’entraide. Elles ne sont pas perdues et reviennent vite dès que des personnes osent sur un territoire se mettre ensemble.

L’entraide vient d’abord de ceux qui en ont besoin

Ce dont je peux témoigner ici, après 40 ans de compagnonnage avec les plus pauvres au cœur du Mouvement ATD Quart Monde, c’est que ce sont eux les premiers à nous montrer que l’entraide est toujours là présente. Ils mènent une vie très difficile au quotidien ; la grande pauvreté ronge, mine les personnes. Les soucis très importants (dans tous les domaines des droits fondamentaux, logement, santé, emploi, éducation …) sont toujours là trop présents. Et pourtant, ce sont les premiers à accueillir celui qui est dehors, à offrir le gite et le couvert à celui qui est perdu, à accueillir l’étranger qui ne connaît personne.

L’entraide, ça s’organise mais c’est aussi spontané

Voici quelques témoignages de ce que nous vivons dans le Mouvement ATD Quart Monde pour une société qui ne laisse personne sur le bord du chemin, dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée que nous développons avec d’autres partenaires sur une dizaine de territoires en France, avec des personnes au chômage depuis trop longtemps.

« L’esprit Territoires zéro chômeur de longue durée ? Pour moi, c’est soutenir les gens qui arrivent, les épauler, les mettre en valeur à travers les activités. Quand on a été longtemps au chômage, quand on a été exclu, on est très vigilant à bien accueillir » dit Chantal, une personne anciennement privée d’emploi, devenue salariée de La Fabrique à Colombey-les-Belles.

« Moi, ce que je ne veux pas entendre, c’est un pourcentage », dit une chercheuse d’emploi le 27 avril 2015 à Paris, jour de la manifestation nationale en faveur de l’expérimentation. « Tous les chômeurs doivent avoir du travail, pas qu’un pourcentage. Du travail, il y en a pour tous. »

Jean-Michel vivait dans sa voiture ; il n’était inscrit nulle part, ni à Pôle emploi, ni au RSA : « je suis considéré comme un marginal, contre les lois de la société », dit-il. Un ami embauché à La Fabrique lui a indiqué que cette entreprise à but d’emploi, créée dans cette expérimentation, cherchait quelqu’un pour la mécanique auto. Il est maintenant salarié de La Fabrique.

Entraide également dans le domaine du logement : en l’absence d’autres solutions, 643 000 personnes sont hébergées chez des tiers en France, selon le rapport 2021 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement. Les personnes qui hébergent vivent souvent elles-mêmes dans des conditions de logement difficile, mais elles savent ce que c’est que d’être sans rien.

Alors oui ! l’entraide est toujours possible si nous acceptons de regarder l’autre comme une chance, comme une personne avec laquelle nous voulons bâtir la société !