téléconsultation
Publié le 1 avril 2022

Démocratiser l’accès aux soins

Dans le cadre de l’enquête Libertés : l’épreuve du siècle, menée dans 55 pays et réalisée par la Fondation pour l’innovation politique avec ses partenaires internationaux, une liste d’institutions a été soumise aux 47 408 répondants en leur demandant, pour chacune d’entre elles, s’ils avaient « tout à fait confiance, plutôt confiance, plutôt pas confiance ou pas confiance du tout en elle ».

En moyenne, dans le monde démocratique, ce sont dans les scientifiques (86 %), ainsi que dans les hôpitaux et les professions médicales (84 %) que les citoyens ont le plus confiance. La tendance se retrouve dans notre pays : les Français sont 81 % à déclarer faire confiance aux scientifiques et 90 % aux hôpitaux et aux professions médicales.

Si les Français ont un niveau de confiance élevé dans les acteurs du système de santé, ils sont cependant 43 % à estimer que celui-ci fonctionne mal[1]. Leur première préoccupation est l’accès aux soins pour tous (41 %) : 42 % des répondants ont déjà renoncé à des soins en raison d’éloignement géographique et 50 % pour des raisons financières[2].

La difficulté d’accès aux soins risque d’augmenter dans les prochaines années, en raison d’un numerus clausus trop longtemps insuffisant et d’une demande croissante de soins, due notamment au vieillissement de la population. Le développement de la téléconsultation, y compris après la pandémie de Covid-19, ainsi que l’accentuation du virage ambulatoire, sont des pistes pour tenter de résoudre ce problème.

 

Déployer la télémédecine

En supprimant la contrainte de la distance et les frais de déplacement, la télémédecine offre aux citoyens un accès aux soins plus simple, mais aussi moins cher. Jusqu’à la pandémie de Covid-19, la téléconsultation était peu développée en France. Cette pratique s’est accélérée avec le confinement : les téléconsultations ont été multipliées par plus de 100 entre février et avril 2020[3]. Cependant, si le nombre de téléconsultations est toujours plus élevé qu’avant la crise sanitaire, il est en constante baisse depuis le déconfinement. En juin 2021, les téléconsultations représentaient ainsi seulement 4 % des consultations en médecine générale[4].

Pour favoriser l’accès aux soins, la télémédecine doit être plus qu’une solution temporaire.

Médecins et patients devraient être encouragés à y recourir. La variété de soins dispensés virtuellement devrait être élargie à travers le développement de nouveaux équipements. Développer l’administration à domicile de médicaments, en tirant parti de la télésurveillance pour faciliter la prise en charge et le suivi des patients, en fournissant des outils pour l’éducation des patients (comme une formation à l’auto-administration)[5] et en livrant à domicile les médicaments ou équipements nécessaires permettrait également de supprimer la contrainte de la distance pour beaucoup de patients.

 

Développer la médecine ambulatoire et les entreprises prestataires de santé à domicile (PSAD)

Élargir au plus grand nombre la médecine ambulatoire et l’implantation des PSAD, y compris dans les déserts médicaux, permettrait d’assurer la prise en charge de patients qui pourraient renoncer à des soins pour des raisons d’éloignement géographique.

Le développement des PSAD favoriserait également l’apparition de soins de meilleure qualité à moindre coût. Leur capacité à investir, plus importante que celles d’autres acteurs, les amène à se saisir des innovations des dispositifs médicaux pour proposer de meilleurs rapports qualité/prix.

Comme le soulignent, en donnant l’exemple du diabète, Alice Bouleau et Nicolas Bouzou, dans leur étude Prestataires de santé à domicile : les entreprises au service du virage ambulatoire, « Les remboursements des dispositifs médicaux liés à la prise en charge du diabète ont fortement augmenté ces dernières années sous l’effet de deux facteurs. Tout d’abord, le nombre de personnes prises en charge au titre du diabète a fortement augmenté (+ 9 % entre 2012 et 2017). Ensuite, l’évolution de la prise en charge du diabète a favorisé le recours à des dispositifs médicaux innovants au détriment de celui des médicaments, ce qui a stimulé l’activité des PSAD. Entre 2012 et 2018, le montant moyen de l’enveloppe médicaments du diabète est passé de 772 euros à 641 euros, soit une baisse de 17 %. Sur la même période, les remboursements relatifs aux dispositifs médicaux pour le diabète (comme les lecteurs de glucose et les pompes à insuline) sont passés de 341 euros à 423 euros, soit une hausse de 24 %, liée à des innovations technologiques. Entre 2015 et 2019, les dépenses d’hospitalisation en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) par personne prise en charge pour diabète ont baissé de 8 %. À coût total par patient identique pour l’Assurance maladie, les remboursements ont favorisé les dispositifs médicaux pour une qualité de soins supérieure[6]. »

Alors que l’ambulatoire reste encore sous-développé en France, en comparaison des pays anglo-saxons et d’Europe du Nord, le déploiement des PSAD sur l’ensemble du territoire et la redéfinition de leurs activités, sous-exploitées, sont essentiels pour garantir l’accès aux soins pour tous.

 

[1] Voir « Regard des Français sur le système et les enjeux de santé dans la perspective de l’élection présidentielle », enquête Harris Interactive pour La Mutualité française, 1er mars 2022.

[2] Ibid.

[3] Voir Florence Rosier, « Covid-19 : l’essor fulgurant de la télémédecine », lemonde.fr, 20 octobre 2020.

[4] Voir « Les chiffres de la téléconsultation au deuxième trimestre 2021 », mindhealth.fr, 12 juillet 2021 (en accès réservé : www.mindhealth.fr/parcours-de-soins/les-chiffres-de-la-teleconsultation-au-deuxieme-trimestre-2021/).

[5] Voir Oleg Bestsennyy, Greg Gilbert, Alex Harris et Jennifer Rost, « Telehealth: A quarter-trillion-dollar post-COVID-19 reality ? », mckinsey.com, 9 juillet 2021.

[6] Alice Bouleau et Nicolas Bouzou, Prestataires de santé à domicile : les entreprises au service du virage ambulatoire, Fondation pour l’innovation politique, janvier 2022, p. 20. 


 

Par Nicola Gaddoni, chargé de mission à la Fondation pour l’innovation politique, et Mathilde Tchounikine, chargée de mission à la Fondation pour l’innovation politique