Publié le 8 avril 2022

Numérique en santé : comment la crise a permis un déploiement inédit

Le numérique en santé est une opportunité unique de moderniser notre système de santé en le rendant plus transparent, plus accessible, et au plus proche des attentes des patients et des professionnels de santé. La crise sanitaire actuelle démontre chaque jour l’intérêt de la e-santé, tant pour suivre l’évolution de l’épidémie, que pour la contrôler et assurer la continuité des soins à distance. Ces derniers mois, les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures pour accélérer son déploiement et permettre à chacun d’en bénéficier, mais des obstacles demeurent et la lutte contre l’illectronisme doit devenir une priorité.

 

Une explosion des usages du numérique en santé et une forte satisfaction

L’exemple le plus emblématique de l’explosion des usages du numérique en santé est la télémédecine et plus particulièrement la téléconsultation. D’après les chiffres de l’Assurance maladie, en avril 2020, on enregistrait un pic de 4,52 millions de téléconsultations effectuées, contre 25 000 au mois de décembre 2019.

Mais la téléconsultation n’est pas la seule pratique d’e-santé à s’être démocratisée à la faveur de la crise. Avec la campagne de vaccination, les plateformes de rendez-vous médicaux en ligne se sont totalement installées dans la pratique des Français.

Par ailleurs, les sites et applications de santé mises en place par le gouvernement, comme l’application TousAntiCovid, SI-DEP, mais aussi des outils plus anciens comme le compte Ameli de l’Assurance maladie, n’échappent pas à cette tendance : plus de deux Français sur trois y ont ainsi déjà eu recours. Plusieurs plateformes développées par des citoyens, comme CovidTracker, ont quant à elles mis en place des outils de visualisation des données françaises et internationales liées à l’épidémie de Covid-19. Tous ces exemples ont permis aux patients de réaliser l’importance de recueillir et d’analyser les données de santé pour guider la décision publique.

Ainsi, 77 % des Français estiment que le développement des technologies numériques est utile pour mieux prévenir les épidémies et aider à mieux les gérer. Cette accélération inédite des usages a impacté positivement la façon dont les Français perçoivent le bien-fondé du développement des outils numériques dans le domaine de la santé : 86 % d’entre eux estiment que ce développement est une bonne chose. On note également le lancement en février dernier de Mon Espace Santé qui va renforcer les liens entre les patients et leur professionnel de santé.

 

Des investissements inédits dans la e-santé

Moins visibles que les mesures de revalorisations salariales, certaines mesures du « Ségur de la santé » visent à moderniser notre système de soins, en renforçant le déploiement du numérique en santé. L’accord prévoit en effet un plan d’investissement de 2 milliards d’euros, spécialement tourné vers la digitalisation du système. Dans cette enveloppe, 1,4 milliards d’euros devront permettre à la France de « rattraper son retard sur le numérique » : il conviendra d’assurer l’interopérabilité, la réversibilité, la convergence et la sécurité des systèmes d’information en santé. Enfin, les 600 millions d’euros restants seront spécifiquement consacrés à la modernisation des outils numériques dans le secteur médico-social : équipements de base, logiciels socles et services d’échanges.

En ce sens, la Délégation du numérique en santé a signé fin 2020 une charte avec 320 industriels dans l’objectif de définir les principes partagés avec les industriels du secteur, ainsi que les engagements respectifs des pouvoirs publics et des industriels.

De son côté, la Haute autorité de santé (HAS) a publié des référentiels pour la généralisation du remboursement de la télésurveillance médicale, qui est prévue pour juillet 2022. Ils concernent les quatre pathologies suivantes : diabète, insuffisance cardiaque chronique, insuffisance rénale chronique et insuffisance respiratoire chronique.

La HAS a également publié sa stratégie en matière de données de santé. Un des axes de cette stratégie est de réfléchir à une meilleure utilisation des données de la HAS pour l’analyse des résultats de certification des établissements de santé, ou bien les avis rendus sur les produits de santé.

 

Un impératif : la lutte contre l’illectronisme

Malgré toutes les promesses du numérique en santé, il reste impératif de réduire la fracture numérique et de lutter contre l’illectronisme.

Pour une partie importante de la population française (47%), le développement des outils numériques risque d’éloigner les usagers du système de santé plutôt que de les en rapprocher, et un Français sur deux a peur d’être moins bien soigné à l’avenir s’il ne maîtrise pas suffisamment les outils numériques.

Il est donc indispensable d’accompagner les citoyens dans la compréhension et l’usage de ces nouveaux outils. Il est notamment important de consolider une culture de la confiance : il reste beaucoup à faire pour éviter les peurs et favoriser l’appropriation de la e-santé par un public large, pas uniquement jeune et connecté. Cela prend du temps mais peut être accéléré grâce à la diffusion et la communication régulière autour de cas d’usages démontrant aux professionnels de santé comme aux patients l’intérêt de la e-santé et du partage de données.

La formation des professionnels de santé au numérique doit aussi constituer un objectif pour le prochain gouvernement.


 

Par Laure Millet, Responsable du Programme Santé de l’Institut Montaigne