Publié le 13 décembre 2021

Qualité des soins : un levier pour impliquer directement les patients

Le sujet de la qualité et de la pertinence des soins est un enjeu majeur pour le système de santé français. Afin d’aider les patients à s’orienter dans le système de soins, il est nécessaire de rendre accessible les informations liées à la qualité des soins dispensés [1]. Alors que la santé est devenue l’une des principales préoccupations [2] des Français, comment peut-on mieux les impliquer dans la définition d’indicateurs de qualité des soins ?

 

 Indicateurs de qualité des soins, de quoi parle-t-on ?

Si les Français sont globalement satisfaits de leur système de santé, ils sont très conscients des défauts d’organisation, ce sentiment pouvant se traduire par une perception dégradée de l’accès aux soins. Près de 40 % [3] des Français déclarent ainsi avoir le sentiment de vivre dans un désert médical. Si la réalité de la baisse de la densité médicale par habitant ne saurait être remise en cause, ces chiffres ne reflètent pas toujours la réalité du terrain. Ce sentiment de défaut d’accès aux soins traduit plutôt un malaise face à un système de santé qui manque de transparence et de lisibilité, où les patients ne disposent pas d’information suffisante pour s’orienter.

Afin d’accompagner les patients dans le choix d’un établissement ou d’un professionnel de santé, il est possible d’évaluer la qualité d’une prise en charge pour une pathologie donnée, ainsi que les bonnes pratiques médicales menées. Les indicateurs de qualité sont des outils pertinents pour remplir cet objectif et rendre accessible aux citoyens français l’information dont ils ont besoin.

Les données liées aux résultats d’une prise en charge sont renseignées par les patients grâce à des questionnaires qui leur sont partagés. Ces indicateurs permettent par exemple d’évaluer le retentissement de la maladie sur l’activité physique (capacité à se déplacer, à faire du sport), le bien-être psychologique (présence d’une dépression ou de stress), la vie sociale (impact sur les relations familiales ou amicales) mais aussi l’intensité des symptômes ressentis tels que la douleur et la fatigue.

Au Royaume-Uni, le recueil des indicateurs de résultats par le National Health Service est obligatoire pour quatre pathologies cibles : la chirurgie du genou, la chirurgie de la hanche, la chirurgie des varices et la hernie. 100 % des résultats recueillis sont publiés en ligne à destination des patients. Aux Pays-Bas, le registre The Dutch Surgical Colorectal Audit a été fondé à l’initiative de médecins afin d’évaluer et d’améliorer la qualité des soins hospitaliers dans le cas du cancer colorectal. Le taux de participation observé des hôpitaux à ce registre a été de 100 %. Fort de ce succès, 21 autres registres ont été créés depuis [4].

 

Un levier pour améliorer les parcours santé et impliquer les patients

 Les indicateurs de résultats ne sont malheureusement que très peu utilisés en France, alors qu’ils permettraient de mieux prendre en compte les attentes des patients. Dans son bilan santé du quinquennat [5], l’Institut Montaigne regrettait la mise à l’arrêt de ce chantier, pourtant annoncé dans le cadre de la loi Ma Santé 2022.

Toutes les parties prenantes, pas seulement les patients, y ont intérêt. Pour les soignants, cela leur permet de se comparer, d’interroger leur pratique et de s’améliorer, en plus des recommandations médicales actuelles. Pour le système de santé dans son ensemble, les indicateurs offrent la possibilité, s’ils sont systématiquement recueillis, d’une prise en charge adaptée des patients grâce à l’amélioration de la qualité des soins, en évitant les dépenses inutiles, la redondance ou la non pertinence de certains actes, la sur-prescription, etc.

La crise sanitaire, parce qu’elle a bousculé de façon inédite les acteurs du système de santé, a fait sauter de nombreux verrous et a permis d’ouvrir le système de santé à de nouvelles parties prenantes. Alors que la santé est devenue l’une des principales préoccupations des Français [6], il est nécessaire d’agir pour faire de la qualité la boussole de notre système de santé avec l’aide des patients comme des professionnels de santé.

 

 Un moment inédit pour réformer notre système de santé par la qualité

Le manque d’information sur la qualité des soins est un véritable frein à l’amélioration de notre système de santé alors même que les patients sont très demandeurs [7] de pouvoir choisir leur professionnel ou leur établissement sur des critères objectifs. Il faut de toute urgence construire des indicateurs de qualité permettant de recueillir le point de vue des patients et créer des outils capables d’analyser ces données et de les utiliser.

Pour cela, plusieurs actions sont à engager à la fois en ce qui concerne la définition des indicateurs de qualité, en impliquant les associations de patients et les sociétés savantes, mais également le recueil de ces indicateurs par les structures de soins, le numérique pouvant jouer ici un rôle central. La publication des résultats est un autre élément clé de la démarche et devra se faire par le biais d’un site internet accessible à tous. Enfin, ces indicateurs devront permettre d’augmenter la part de la rémunération à la qualité dans la rémunération des professionnels et des établissements de santé.

 


Par Laure Millet, Responsable du Programme santé de l’Institut Montaigne

 

[1] Institut Montaigne, rapport “Système de santé, soyez consultés !”, avril 2019

[2] Institut Montaigne et Elabe, Baromètre des territoires 2021, novembre 2021

[3] Fondation Roche, enquête de l’Observatoire de l’accès au numérique en santé, juin 2021

[4] Comparaisons internationales réalisées pour le rapport de l’Institut Montaigne, “Système de santé, soyez consultés !”, avril 2019

[5] Institut Montaigne, “Quinquennat Macron : le grand décryptage Santé”, août 2021

[6] Institut Montaigne et Elabe, Baromètre des territoires 2021, novembre 2021

[7] Sondage réalisé par Kantar pour l’Institut Montaigne, avril 2019