Sport santé : une famille au pied 'un mur d'escalade
Publié le 27 mars 2024

Sport-Santé : tous concernés ?

#La synthèse du Lab

La France souffre d’un déficit de culture en « sport-santé », qui se traduit par la persistance d’inégalités d’accès cumulées : inégalités de genre, territoriales et sociales. Pour remédier à ces carences et sortir de ces freins culturels, une hybridation des politiques est nécessaire : les initiatives locales doivent se conjuguer avec les politiques publiques et l’aménagement du territoire. Et c’est aussi au niveau de l’Ecole ou de l’entreprise que des actions peuvent être conduites.

Intervenants :

  • Martine Duclos, Médecin du sport, chef du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand, Présidente de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS)
  • David Lazarus, Maire de Chambly (60), Président du groupe de travail Sport de l’Association des Maires de France, vice-président de l’Agence nationale du Sport
  • Jean-François Thébaut, Vice-président de la Fédération française des diabétiques
  • Christelle Demange-Denhez, Directrice de la Mutualité Française-Grand Est

Des freins culturels à la promotion de l’activité physique et sportive pour tout le monde et à tous les âges

L’activité physique et sportive est désormais considérée comme bénéfique pour chacun, mais des freins importants subsistent pour son déploiement.

L’absence de réelle culture du sport-santé en France est un frein qui se traduit par l’insuffisance d’aménagements urbains adaptés, d’équipements sportifs, de développement d’actions dans le milieu professionnel, ou de priorité de la pratique à l’école … Ce constat se double de freins structurels amoindrissant l’efficacité des dispositifs existants particulièrement pour les personnes malades chroniques, en perte d’autonomie ou en situation de handicap : l’activité physique adaptée nécessite une prescription médicale, alors que les médecins généralistes sont peu sensibilisés ou peu informés des structures existantes ; les maisons Sport-Santé (MSS) sont trop peu nombreuses (seulement 580 sur le territoire), les répertoires ou outils d’information et d’orientation sont peu développés. Un exemple concret, le service Sophia d’accompagnement des personnes diabétiques chroniques de l’assurance maladie est mal informé des ressources sur le territoire.

De persistantes inégalités territoriales, sociales et de genre en matière d’accès aux activités physiques et sportives

L’activité physique doit être accessible à toutes et tous, quelles que soient les conditions sociales, le lieu de vie, l’âge et le genre. Les études scientifiques sont nombreuses sur les bénéfices de l’activité physique, que ce soit sur le plan somatique ou psychique.

Malgré le développement de la promotion de l’activité physique et sportive, il persiste des inégalités sociales, territoriales et de genre en termes d’accès et de pratique. Ces inégalités sont encore plus forte pour les personnes en situation de handicap.

En France et en Europe, les inégalités femmes-hommes sont encore trop marquées au regard de la connaissance des risques en santé, et les activités physiques sont très genrées dès le plus jeune âge. C’est très largement une affaire de représentations construites par la société.

Les femmes sont culturellement moins ciblées pour la pratique d’une activité physique, alors que leurs besoins en santé sont les mêmes que les hommes. En effet, contrairement aux idées reçues, les maladies cardiaques liées aux facteurs de risque et habitudes de vie (tabac, alcool, stress, mauvaise alimentation, sédentarité) sont la première cause de décès chez les femmes. Or c’est encore perçu dans les esprits, y compris des soignants, comme des maladies d’hommes, qui conduit encore trop souvent à négliger les symptômes décrits par les femmes, et occasionnent des prises en charge tardives.

Ces inégalités de genre démarrent dès le plus jeune âge. Ainsi, dès l’école primaire et le collège, l’occupation spatiale de la cour de récréation est inégale, au détriment des filles (accaparation de l’espace en fonction du sexe).

Comme l’a montré l’enquête de l’ONAPS sur les comportements sédentaires et la pratique d’activité physique lors des transitions de vie de la femme, les femmes connaissant plusieurs ruptures dans la pratique d’une activité physique : l’entrée dans la vie étudiante, la vie professionnelle (augmentation des comportements sédentaires et du temps en position assise), la grossesse (les sages femmes comme les médecins n’ont pas de formation suffisante à l’activité physique), la naissance du premier enfant (abandon du sport pour des raisons de répartition de la charge domestique au sein du couple), la ménopause, la retraite. Ces transitions de vie sont synonymes de plus de sédentarité et constituent des freins multiformes à la pratique (temps disponible, contraintes familiales, motivation, fatigue) [1].

Pour résoudre ces freins à la pratique sportive, la mobilisation des employeurs est essentielle, en portant une politique de soutien à la pratique sur le temps méridien par exemple. Mais c’est aussi une réflexion qui doit être conduite par les acteurs sportifs, ou les collectivités locales.

Il est également nécessaire d’adapter les réponses envers les personnes en situation de handicap, pour leur permettre un accès à la pratique dans tous les lieux Enfin, le développement de démarches d’« aller-vers » est indispensable pour compenser les inégalités sociales ou territoriales.

Des initiatives hybrides pour améliorer cette situation et des innovations souhaitables

La question de la localisation des activités physiques et sportives est cruciale : où pratiquer ces activités lorsque l’on n’est pas un sportif de haut niveau ou licencié (la première activité physique c’est la marche) ? Corollaire de cette question, celle de l’orientation des personnes désireuses d’avoir une activité physique vers les lieux où elle se pratique. Un recensement de ces lieux est un préalable indispensable ; dans ce cadre, la place des MSS est essentielle ; développer de nouvelles pratiques ; création de créneaux « parents-enfants » (adapter les structures pour l’accueil des mères accompagnant leur enfant au sport le mercredi, afin de leur permettre une activité sportive).

Pour mieux recenser les ressources en activité physique et sportive, une hybridation des politiques publiques (politique de santé, politique de la ville, politiques sportives, politique du logement) est nécessaire, mais elle doit dépasser le seul cadre de l’Etat pour une approche holistique de la santé ; « marcher, faire du vélo est bon pour sa santé et pour l’environnement ».

A l’heure où notre système de santé est menacé par le creusement des inégalités sociales et la progression des maladies chroniques, cette hybridation entre l’Etat et les collectivités territoriales, ainsi qu’entre les pouvoirs publics et le secteur privé et associatif, peut être féconde. Faire appel à l’intelligence collective permet d’apporter des réponses : ainsi en est-il du travail avec des associations de quartiers, de la création d’un bus itinérant dans les zones rurales, de l’aménagement urbain, notamment des cours d’école, via le « design actif », de la création de « nudges » [2], ou de l’intégration de l’activité physique dans la démarche RSE des entreprises.

L’échelon territorial le plus pertinent pour agir est le département, et les MSS sont une porte d’entrée vers les professionnels. Cela suppose de développer une stratégie pour faire travailler ensemble les différentes parties prenantes en approche populationnelle (Etat, régions, départements, communes, MSS, ARS, associations, clubs, CPTS, médecins, kinésithérapeutes, sociétés savantes). Acteur de prévention présent dans tous les territoires, le mouvement mutualiste pourrait être un lien entre tous ces acteurs, en veillant à faire participer chaque citoyen.

[1] Plus de 2400 femmes, en transition de vie (huit transitions : étudiante, vie en couple depuis moins d’un an, vie active depuis moins d’un an, enceinte, post-partum, parents avec enfants de 1 à 10 ans, périménopause, retraite) ont répondu à l’enquête dont les résultats donnent lieu à ce rapport (onaps.fr)

[2] Littéralement « coup de coude » ou « coup de pouce », méthode d’influence visant à inciter des individus ou un groupe humain à changer leur comportement ou à faire certains choix sans les mettre sous contrainte, obligation, ni menace de sanction. Voir Richard Thaler et Cass Sunstein, Nudge : Améliorer les décisions concernant la santé, la richesse et le bonheur, 2008.

 

Les réalisations de la commune de Chambly et de la Mutualité Française de Grand-Est

Chambly est une ville très sportive : commune de 10 000 habitants, entourée de villages, elle comporte 3700 licenciés sportifs ; 40 équipements sportifs (dont un stade de foot de ligue 2) ; la meilleure équipe de France de badminton.

Le maire de Chambly, qui considère le sport comme un élément essentiel du développement de la ville, mais aussi comme un moyen de lutter contre les inégalités sociales et territoriales, a mis en place plusieurs programmes destinés à divers publics : expérience dans l’EHPAD, où a été créé un parcours sportif adapté aux personnes âgées avec les conseils d’un Kiné (karaté, badminton), sensibilisation au sport en direction des diabétiques par l’équipe de badminton, pratiques sportives à l’école, équipement sportif avec l’association « je fais du sport tout seul », ou encore opération « Un Mois, Un Sport » dans toute la commune.

Dans la région Grand-Est, la Mutualité Française développe des programmes de promotion de l’activité physique et de prévention, ainsi que des actions en matière de santé mentale par le sport, en lien notamment avec la MSS de Strasbourg (actions auprès des aidants). Les destinataires de ces programmes sont les personnes âgées/seniors, les personnes avec des troubles dépressifs, les lycéens et lycéennes, les femmes entre 18 et 65 ans.

Ces programmes concernent la nutrition, la santé des aidants, la santé des aînés autonomes, santé environnementale, la santé mentale et le bien-être, la santé auditive et visuelle.
Des actions valorisent les bienfaits du sport en milieu scolaire, via un lien avec l’union nationale du sport scolaire depuis 2008 (notamment nutrition) Un programme « atelier cœur des femmes » destiné à sensibiliser les femmes aux problèmes vasculaires a été mis en place (avec un éducateur APA et une nutritionniste).